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Site officiel de la commune de THAON

Découvrir Thaon/Histoire et Patrimoine/Vieille Eglise

Vieille Eglise

Le rapport final de synthèse de la campagne de fouilles archéologiques 2011 est consultable à la bibliothèque de Thaon.

Au XIXème siècle, l’église posait des questions

Avant propos :

Il y a tout juste un siècle, en 1908, s’est tenue dans la capitale bas normande, la 75ème session du congrès archéologique de France, organisée par la société française d’archéologie.
Au cours de ce congrès, une visite détaillée était faite à la vieille église de THAON et l’on imagine aisément toutes les sommités archéologiques de l’époque se rendant dans la vallée avec les moyens de transport de ce début de XXème siècle et par les chemins que l’on devine.
Tout ce joli monde, devant le monument, se posant des quantités de questions, ces mêmes questions que nous nous posions encore il y a douze ans et dont nous avons aujourd’hui une partie des réponses grâce aux travaux de l’AVET (Amis de la Vieille Eglise de Thaon (association)) et aux fouilles estivales.
Un compte-rendu de cette étude fait par Eugène de Beaurepaire, publiée dans le tome 1 du bulletin de la société française d’archéologie par A. Picard, éditeur à Paris, en 1909, résume presque toutes les études parues, au cours du siècle précédent.
Cette communication possède un côté poétique et donne envie de chercher les réponses dans les « Nouvelles de la Vieilles Eglise de THAON », la publication de l’association des Amis de la Vieille Eglise de THAON, dont vous trouverez les coordonnées dans le bulletin municipal et surtout sur son site internet « vieilleeglisedethaon.free.fr ».

Richard MAURY 

Présentation de l’église

La façade occidentale (juillet 1909)L'église de Thaon

L'église de Thaon est sans contredit l'une des églises romanes les plus intéres­santes et les plus connues de la Normandie. Elle a pour elle le triple mérite de l'an­tiquité, de la beauté artistique, du pit­toresque; elle a quelque chose de plus, le charme indéfinissable qui s'attache aux ruines, aux monuments abandonnés dont chaque jour détache une pierre, que l'on voit au­jourd'hui, que l'on ne retrouvera peut-être plus demain.
Tous les archéologues anglais et fran­çais s'en sont successivement occupés. Dans son grand ouvrage, Gotman lui a consacré de nombreux dessins, Pugin ne l'a pas oubliée, et, venu le dernier, l'auteur de l'archi­tecture normande au XI et au XII siècle, M. Ruprich Robert, l'a étudiée à son tour avec le soin le plus attentif et le plus scrupuleux.
Avec les magnifiques ruines de l'abbaye de Hambye, qui datent d'une autre époque, c'est un des édifices les plus suggestifs que l'on puisse imaginer. Dans sa solitude attristée il évoque invinciblement l'image d'un lointain passé et ressemble vaguement à une vignette détachée d'une production de l'école romantique. Une visite à l'église de Thaon peut, sans hésitation, être recom­mandée à tous les touristes. C'est un pèle­rinage artistique qui ne laissera à aucun de ceux qui l'entreprendront ni regret ni déception."L'église de Thaon, située dans une vallée marécageuse, lisons-nous dans  la Normandie pittoresque, passe, aux yeux de certaines personnes, pour la plus ancienne église du Calvados; quelques-uns même font remonter sa construction jusqu'au VIème siècle. Quoi qu'il en soit, elle a été fréquemment gravée, notamment dans les livres de Gotman et de Pugin.

Elle se com­pose d'une nef centrale, d'un choeur de hauteur et de longueur inégales et d'une tour centrale liée à l'extrémité de la nef et séparant celle-ci du choeur. Cette tour a deux étages et se termine par une pyramide quadrangulaire aux angles de laquelle des têtes fantastiques ont été sculptées. La nef, le choeur et toutes les parties extérieures de l'édifice sont du roman le plus pur et dignes en tous points de l'attention que lui ont toujours prêtée les hommes de science".
Dans son ensemble cette description, dont les éléments sont d'ailleurs empruntés à la statistique monumentale de M. de Gaumont, est exacte, mais elle a besoin d'être complétée sur certains points essentiels.
La façade occidentale nous offre une porte cintrée d'une rare élégance, dont les proportions sont malheureusement gravement altérées par l'exhaussement des terres au milieu desquelles elle est enfouie jusqu'au quart de sa hauteur. Cette porte est sur­montée d'un rang de huit arcatures au-dessus duquel se trouve un autre rang de sept ar­catures plus petites qui occupent la partie triangulaire du fronton.
Le chevet du choeur, formé d'un mur droit à contreforts peu saillants, offre une disposition à peu près semblable. On y remarque un premier rang de six arcatures aveugles très allongées. Un second étage est orné seulement de quatre arcatures d'une moindre élévation. Cinq autres arca­tures, encore plus exiguës, placées dans la partie inférieure du pignon triangulaire, complètent la décoration.
Le choeur, percé à une date postérieu­re de fenêtres en forme de lancette, n'a pas conservé sa physionomie primitive. Il est aisé de voir que ses murs latéraux étaient à l'origine ornés d'un rang d'arcatures surmontées d'un autre rang d'arcatures plus courtes revêtues de zigzags.
La tour qui émerge du toit, entre choeur et nef, est de forme courte et ra­massée, elle est percée à ses deux étages, sur chaque face, d'une fenêtre en plein cintre à deux baies géminées.
La pyramide trapue à quatre pans qui la terminent, présente cette particularité qu'elle offre a trois de ses angles, des animaux fantastiques, et un petit personna­ge d'aspect étrange au quatrième.
La nef voûtée en charpentes apparentes, communiquait avec les bas côtés par des ar­cades qui ont été bouchées par une sorte de rempli provisoire. Elles sont décorées à l'intérieur de zigzags. Au-dessus d'elles, à l'extérieur, court une ligne d'arcatures analogues à celles de la façade, dans les­quelles, de place en place, sont ouvertes de petites fenêtres.
Les modillons de la corniche du mur latéral sont reliés les uns avec les autres par de petits arcs cintrés. La façade de l'église et le chevet du choeur ont conser­vé leurs antéfixes. Ce sont des croix en­tourées d'un cercle perlé à huit rayons extérieurs dont quatre formées par le pro­longement des bras de la croix.

 

Les questions

La tour à 2 étages (1909)Cette description minutieuse et un peu longue, peut donner une idée de la valeur archéolo­gique du monument, mais elle ne saurait résoudre les problèmes de toute nature et souvent assez délicats que sa construction soulève. Pourquoi, dans une commune rurale aussi modeste, un édifice de cette impor­tance a été édifié ? Pourquoi surtout avoir choisi un emplacement dans un lieu marécageux, absolument soli­taire et éloigné des habitations ?
A toutes ces singularités il y avait très certainement une raison, mais cette raison nous ne la connaissons pas ; nous connaissons encore moins les motifs qui ont déterminé, dans cette église, l'ablation de deux bas-côtés.
S'il faut même dire toute notre pensée, nous nous expliquerions beau­coup plus aisément la non édification des bas-côtés au moment de l'exécution des tra­vaux, que leur suppression après.
Mais c'est surtout à propos de la date de construction de l'église que les discussions les plus vives se sont élevées, que les opinions les plus divergentes ont été émises.







Les premières réponses

L'abbé de la Rue, et beaucoup d'écri­vains à sa suite, ont longtemps prétendu que l'église de Thaon remontait à une très haute antiquité et était un monument du VII ou du VIII siècle.
Cette opinion n'a pas prévalu, et avec M.M. Gage, Auguste Le Prévost et Stapleton, on tient généralement pour constant que l'église de Thaon est d'une époque de beaucoup postérieure, et appartient au roman fleuri ou secondaire, c'est-à-dire au style qui régnait en Normandie au XII siècle. Dans sa statistique monumentale, M. de Caumont se tient sur la réserve et n'émet aucune opinion catégorique. Plus précis, Ruprich Robert attribue au commencement du XI siècle la construc­tion de la tour, et indique le XII siècle comme date probable des autres parties de cet édifice. M. Lechaudé d'Anisy, qui a fait de la question une étude spéciale, s'appuyant sur les documents relatifs à la seigneurie de Thaon  qui nous ont été conservés dans le cartulaire de l'abbaye de Savigny, a émis à son tour une opinion sur laquelle il con­vient d'attirer l'attention.

L'origine de Thaon

"La paroisse de Taun, Taon, Thaon, écrit-il, connue aujourd'hui sous le nom de Than, du diocèse de Bayeux, aurait été plus souvent confondue avec celle de Tanie ou de Tanu, du diocèse d'Avranches, qui portait les mêmes noms latins dans les Chartres de Savigny, si les évêques de ces deux diocè­ses, en confirmant les donations faites à ce monastère dans ces trois paroisses, n'eussent fait une mention particulière de celles qui faisaient partie de leur évêché.
On sait que les paroisses qui, en France comme en Angleterre, portaient le nom saxon de Than plus ou moins défiguré, formaient primitivement la demeure d'un Than ou du baron seigneur du domaine. Plu­sieurs chartes donnent le nom de Thannène aux châteaux quils avaient fait bâtir. Telle est entre autres celle de la donation de l'église de Saint-Bertevin faite à l'ab­baye du Mont-Saint-Michel, dans laquelle on lit : Et capellom quoque cuyusdam castri novi quod Tanneria vocatur. La paroisse de Than est quelquefois désignée sous le nom de baronnie ou d'honneur de Than. (I), Mémoire de la Société des antiquaires de Normandie, t.XII, p.113.
M. Lechaudé d'Anisy nous apprend en­suite que l'un des premiers seigneurs de cette localité fut Hamon-as-Denz, frère utérin du vicomte du Cotentin Neel, issu par son père de Rollon, duc de Normandie.
C'est à ce puissant personnage qu'il attri­buerait la fondation de cette église monu­mentale dont il fixerait la date à 1134, et dans tous les cas avant l'érection des deux grandes églises abbatiales de Saint-Etienne et de la Trinité.
On sait que Hamon-as-Denz, seigneur de Creully, de Maisy, de Thaon et de Thorigny, fut tué à la bataille du Val-es-Dunes, en combattant, à la tête des barons normands, le duc Guillaume, dont il fut l'un des plus redoutables adversaires. Au témoignage de Wace, ses partisans emportèrent son cadavre et l'inhumèrent auprès de l'église d'Esquay. « A Esquay, fut d'ilenc porté Et devant l'église, enterré ».

Des conclusions provisoires

L’église telle qu’on la découvrait au début du siècle dernier (1908)Sans discuter ici les considérations historiques développées par M. d'Anisy, nous serions assez portés à admettre avec lui comme date de construction de l'église de Thaon, la première partie du XI siècle. Si l'édifice ne présente pas en effet les caractères spéciaux que l'on rencontre dans les quelques restes des siècles antérieurs subsistants encore aujourd'hui, comme à Vieux-Pont-en-Auge, à Saint-Pierre de Tilly, à Fierville, à Saint-Martin-de-la-Lieue, à la crypte de Saint-Gervais à Rouen, ou dans certaines substructions du Mont-Saint-Michel et de l'église de Saint-Pair près de Granville, il ne nous offre pas davantage ceux que l'on remarque à Saint-Etienne, à la Trinité ou à Saint-Nicolas de Caen. Il suffit, pour se rendre compte de la diffé­rence de comparer les appareils de ces divers édifices, ou même de rapprocher de l'abside pentagonale de l'église de Saint-Nicolas le chevet droit si austère et si simple de l'église de Thaon.
Comme on le voit, cette question de date est loin d'être résolue et appellerait encore de nouvelles études, de nouvelles investigations.

E. de Beaurepaire